Un soir à la Porte d'Italie
Oh! le vilain moineau
La Lanterne — 10 septembre 1895
Les nombreux flâneurs qui vont chaque soir, au soleil couchant, respirer un peu d'air sur les glacis des fortifications, à la porte d'Italie, ont assisté hier à une véritable bataille.
D'un groupe formé par un palefrenier, nommé François Laclaude, âgé de trente et un ans, demeurant boulevard Masséna, et six de ses camarades, s'éleva tout à coup ce cri à plusieurs reprises :
― Enlevez le vilain moineau !
Un ouvrier menuisier, Léopold Louche, âgé de trente-sept ans, domicilié rue du Gaz, était assis par terre en compagnie de quatre amis.
Le cri ayant été proféré devant le groupe qu'il formait et au milieu duquel il pérorait, Louche crut qu'il s'adressait à lui.
Il en fit l'observation à Laclaude qui lui assura qu'il se trompait.
― Je ne me trompe pas, s'écria le susceptible menuisier, vous avez dit « le vilain moineau », ce ne pouvait être qu'à mon adresse !
La discussion s'envenima et ne tarda pas à devenir générale.
De part et d'autre on se mit à s'injurier ferme ; puis, quelqu'un ayant mis le poing sous le nez de son interlocuteur, ce dernier riposta par un coup de pied.
Ce fut le signal de la bataille.
De tous côtés, les coups se mirent à pleuvoir dru comme grêle et les visages furent bientôt couverts de sang.
De même que dans les combats homériques, les deux chefs, Louche et Laclaude, se cherchaient dans la mêlée pour se mesurer. Ayant réussi à se rejoindre, ils s'attaquèrent à coups de couteau.
Ce que voyant, leurs partisans respectifs cherchèrent à désarmer l'adversaire de leur chef.
Le combat durait depuis un quart d'heure lorsqu'arriva une brigade de gardiens de la paix.
Les agents, accueillis à coups de poing, durent dégainer.
Toute la bande a été arrêtée et conduite au Dépôt.
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