La barrière des deux moulins
A l’origine, elle se trouvait sur le boulevard de l’Hôpital, en face
de la rue du Marché-aux-Chevaux, à côté d’une Poudrière qui a joué un certain
rôle dans la Révolution de 1830. Elle devait son nom aux deux moulins de
la Salpêtrière, ses voisins immédiats, et ils étaient rasés depuis longtemps
qu’on en parlait encore, à cause de la galette qu’on allait y manger.
Cette place, qu’elle occupa jusqu’à la Restauration, était à peu près
celle qu’elle avait occupée avant 1784, ainsi que le constate le plan de
J.-B. Nolin, de 1699. Il y a même, eu pendant de longues années un poste
de soldats à l’endroit même où se trouvait jadis la Hutte des Gardes. Plus
tard, lorsque le village de guinguettes, appelé Village d’Austerlitz, fut
enclavé dans Paris, c’est-à-dire vers 1818, le mur d’enceinte, qui était
alors sur le boulevard de l’Hôpital, fut reporté beaucoup plus loin, jusqu’au
delà des rues Bruant et Bellièvre, et, tout naturellement, la barrière des
Deux-Moulins et sa voisine, la Barrière d’Ivry, durent se reculer d’autant.
A proprement parler, et quoique les Dictionnaires et les Plans de Paris
constatent l’existence indépendante de ces deux barrières, elles n’en formaient
qu’une seule et unique, si mes souvenirs de jeunesse me servent bien. Ce
que les plans appellent la Barrière d’Ivry, c’est ce que le peuple du faubourg
Marceau a toujours appelé la Barrière des Deux-Moulins. Pour ma part, je
n’en ai jamais connu d’autre, au plus loin que je me reporte dans le passé
: c’est bien celle qui se trouvait à l’extrémité de trois rues, la rue d’Austerlitz,
la rue du Chemin des Étroites-Ruelles et la rue de l’Hôpital, — ces deux
dernières transformées depuis l’une en rue de Campo-Formio, l’autre en rue
Pinel.
Barrière des Deux-Moulins ou Barrière d’Ivry, elle avait une physionomie
bien tranchée, — à faire croire qu’elle n’appartenait en aucune façon au
Paris qui l’avait accaparée, par un caprice de millionnaire qui ferait collection
de liards, par une fantaisie de coquette qui s’enguirlanderait de haillons.
C’était le jour et la nuit, la soie et la bure, les bottines vernies et
les sabots, l’eau de lavande et l’eau du ruisseau. Les Deux-Moulins étaient,
— et sont encore un peu, parce qu’on ne décrète pas l’abolition de la Misère
aussi facilement que l’abolition de la Contrainte par corps, — les Deux-Moulins
sont un pays d’où l’on vient, mais où l’on ne va pas, et les habitants de
ce pays-là ne s’occupent pas plus des autres pays, c’est-à-dire des autres
quartiers, qu’ils ne s’occupent des Samoyèdes ou des Patagons. Ils ont leurs
mœurs à part, leur besogne à part, leurs peines à part, — à part aussi leurs
plaisirs. Dans cet ancien village d’Austerlitz, et au delà de la barrière
des Deux-Moulins, sont des rues bordées de maisons basses, bâties comme
pour l’amour de Dieu, avec un peu de plâtre et beaucoup de boue; cela ressemble
plus à des rabouillères, à des huttes de Lapons, qu’à des habitations de
civilisés : maisons de petites gens, en effet, que ces maisons—là! Maisons
dignes des rues, rues dignes des maisons, et habitants dignes des maisons
et des rues. On se sent dans le voisinage de la Salpêtrière, — une maison
de folles qui a commencé par être une maison de gueux.
Je vous recommande la Cité Doré, ou Villa des Chiffonniers, à laquelle
mon bien cher et bien regretté Privat d’Anglemont a consacré une quinzaine
de pages de son Paris-Anecdote. C’est très pittoresque, et encore plus affligeant.
Alfred DELVEAU- 1865
Histoire anecdotique des barrières de Paris
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