Lu dans la presse...
La sente des Reculettes devient une rue …
Le Journal — 28 juin 1932
Parmi tant de travaux poursuivis en ce moment par l'administration de la
Ville de Paris pour l'amélioration de sa voirie, il en est de
particulièrement intéressants. Tel est le percement de la rue des Reculettes
dans le quartier Croulebarbe (13è arrondissement).
Jusqu'ici ladite rue ne méritait ce nom que dans l'amorce pavée qui
partait depuis longtemps de la rue Croulebarbe. A ce bout de rue aboutissait
à travers une sorte de maquis assez agreste une sente en zigzag, de deux
mètres de large, venue des hauteurs de la rue Abel-Hovelacque. Bénie des
amateurs de pittoresque, cette ruelle longeait sur une minuscule falaise, un
petit ravin à coins buissonniers, tout comblé de maisonnettes disparates, peu
fastueuses villas parisiennes où caquetaient les poules, et où l'on
s'éveillait au chant du coq.
Un jour, la Ville de Paris a exproprié les amateurs de verdure. Et voici
que des équipes de terrassiers ont raboté les avancées de falaise, que les
démolisseurs ont abattu à grands coups de pic les masures qui ne tenaient
guère. Les maçons avec leurs moellons et leur béton , établissent les
substructions de la voie de douze mètres qui complétera la rue des
Reculettes. Il s'y élève déjà des espèces de gratte-ciel pour familles
nombreuses.
Ces travaux attirent l'attention des constructeurs à cause des procédés
nouveaux qui y sont employés. Pour contenir la poussée des terres qui
porteront la nouvelle rue descendant d'environ quatre ou cinq mètres sur une
distance de soixante ou quatre-vingts, il fallait établir un large mur de
soutènement qui eut coûté fort cher.
Les ingénieurs ont eu l'idée heureuse de construire pour supporter cette
masse et en éluder la poussée, une série de voûte de décharge de décharge en
maçonnerie. Elles permettent de diminuer beaucoup la largeur du mur de
soutènement — réduite à soixante-quinze centimètres environ — et, par
conséquent, la dépense. Cette opération constitue une innovation très
remarquable , au dire des spécialistes.
La phrase classique : « Encore un coin pittoresque du Vieux Paris qui
disparaît ! » me chante aux oreilles tandis que je suis le fond de l'ancien
ravin sur des échafaudages aux planches plâtreuses. Dans un reste de
buisson, deux ouvriers peuvent encore déjeuner sur l'herbe, mais c'en sera
fait avant longtemps de ces plaisirs agrestes. Derrière une maison lépreuse
et enfumée, j'aperçois encore un bout de jardin. Au fond d'une impasse, une
porte, pouvant conduire au vaste jardin ombragé d'une brasserie, a, en blanc
sur noir, cette inscription mélancolique et bien à sa place : Mort.
S'agit-il du sentier des amoureux ? Non.
C'est le reste de l'écriteau qu'on avait mis là : Danger de mort,
pour empêcher les enfants d'escalader la clôture. Les arbres qui par-dessus
« balancent leurs palmes » sont, sans doute, tout ce qui reste des
dépendance du vieux moulin de Croulebarbe, lequel appartenait à un fief
remontant au quatorzième siècle, propriété de Saint-Martin-des-Champs.
Les moins de l'abbaye l'affermèrent jusqu'en 1668, époque où l'abbé de
Saint-Marcel en revendiqua la propriété. Le nom de sente des Reculettes
signifie qu'on se trouvait là dans un lieu reculé, peu central.
Comme je quitte le chantier, un habitant m'interpelle mélancoliquement :
— J'ai habité trente-six ans ici monsieur. Voici où se trouvait ma
maison. Le soir, quand les usines s'arrêtaient nous nous croyons à cent
lieues de Pris. On m'a exproprié. Avec l'argent, j'ai acheté un terrain en
bordure de la rue qui sera peut-être très commode. Mais, voyez-vous,
j'aimais mieux la ruelle, avec ses arbres, ses plantes, ses fleurs, ses
masures, ses poulaillers et ses amoureux.
Charles Torquet
La ruelle des Reculettes dans la littérature
Les esclaves de Paris - Emile Gaboriau (1868)
Les monstres de Paris - Paul Mahalin (1879)
La petite Miette - Eugène Bonhoure (1889)
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