UNE ÉVOCATION
DU 13ÈME ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Lundi 29 Mai 2023
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Entre l'église Saint-Médard et la place d'Italie, la vieille et étroite rue Mouffetard se transforme à vue d'œil en une belle avenue de 40 mètres de largeur. (1868)
On visitait ces temps-ci, dans la salle des Fêtes de la mairie du 13e, une agréable exposition de toiles, aquarelles, dessins, organisé par le Cercle des Gobelins. (1928)
Dans la première circonscription du XIIIe arrondissement, M. Raymond Renaudière, qui a groupé sur son nom au premier tour près de 4.000 voix, est le seul candidat désigné pour battre au second tour le communiste dissident Gélis. (1932)
Une enquête est ouverte, en ce moment, à la Préfecture de la Seine, sur le enquête est ouverte, en ce moment, à la Préfecture de la Seine, sur le projet des stations à établir sur le chemin de fer de Ceinture, dans les 13e, 14e, 15e et 16° arrondissements. (1862)
On a mis récemment à l'enquête un projet d'agrandissement de la Gare du chemin de fer d'Orléans, à Paris, qui consiste à étendre les dépendances de cette gare jusqu'au quai d'Austerlitz, par l'annexion de tout l'emplacement compris entre ce quai, la rue Papin et le boulevard de l'Hôpital. (1862)
Conseiller municipal du quartier Croulebarbe (1925)
Le treizième a toujours été la cité des pauvres. Il sue encore la misère avec ses îlots de maisons délabrées… avec la rue du Château-des-Rentiers, ô ironie, avec la Butte-aux-Cailles chère à Louis-Philippe. Et comme la misère va de pair avec la douleur, beaucoup d'hôpitaux, la Salpêtrière, la Pitié, Broca, Péan, des asiles, des refuges. Sur 33.500 électeurs, 28.000 paient de 500 à 1.200 francs de loyer par an. Au prix actuel du gîte, ces chiffres ont une triste éloquence ! On ne s'étonnera pas si le treizième est politiquement très à gauche… et même à l'extrême gauche. (1927)
Tandis que les chauffeurs ne pourront claironner ou trompeter par les rues de Paris, des escouades de bruiteurs autorisés continueront, embouchure aux lèvres, leur pas accéléré quotidien dans les rues du quartier de la Maison-Blanche en général, boulevard Kellermann en particulier. (1929)
Dans une semaine ou deux, on inaugurera la grande piscine de la Butte aux Cailles. C'est un établissement vraiment remarquable, de briques et de mortier, aux revêtements vernissés blancs, dominé d'une immense cheminée en ciment armé, de grande allure avec sa quadrature de colonne droite évidée aux angles, lesquels sont ainsi arrondis. (1924)
Dimanche, dans la nuit, un craquement sinistre a éveillé les locataires d'un des vieux immeubles de cette rue. une maison d'un étage, portant le numéro 10. D'un coup la maison s'était lézardée du haut en bas. menaçant de s'effondrer. (1929)
Le quartier de la Gare est en émoi. A la suite de perturbation du sol, peut-être aussi de fissures de conduites d'eau et d'infiltrations, la plupart des immeubles de la rue Charles-Bertheau, dont certains sont neufs, menacent ruine (1937)
Les 84 sinistrés de la rue Charles-Bertheau ont manifesté pour obtenir de la ville de Paris des logements ou un secours suffisant. (1937)
Savez-vous ce que c'est qu'un Bijoutier ?...
C'est un de ces industriels qui achètent aux laveurs de vaisselle des restaurants les débris de viande cuite jugés indignes d'être offerts à la clientèle, et qui vendent ces débris, connus sous le nom d'arlequins, aux pauvres gens des quartiers populeux.
Or, depuis quelque temps, les étalages des bijoutiers du marché des Gobelins étaient mieux fournis que d'habitude... (1872)
Il faudrait tout notre journal pour être complet sur le treizième arrondissement. (1878)
Conte des mille et un matins
TAUPIN
(Roman bref)
Le Matin — 30 janvier 1909
Dans son crâne piriforme, aux oreilles trop petites, trop rapprochées, cassées à angle droit comme on marque une page de livre, chauves dessus, duvetées dedans, a l'encontre de toute anatomie canine, dans ce crâne plus bossué qu'un sac de billes, une idée peu à peu s'était agglomérée, un projet s'était formé partir en exploration faire un long voyage !
Ce n'était pas qu'il fût malheureux ; il sentait bien qu'à moins d'événements extraordinaires, de cataclysmes invraisemblables, il ne serait jamais tout à fait infortuné. La nature, si avare de ses dons plastiques envers lui, l'avait tout au moins doté d'une philosophie imperturbable, d'une belle humeur que ni la faim, ni le froid, ni les torgnoles n'étaient parvenues à altérer.
Il pensait même au retour. Ces chiffonniers chez lesquels il était né, il n'y avait pas très longtemps ― six mois à peine ― de la rencontre hétéroclite d'une fox-terrière déclassée et d'un caniche marron superbe (entraîné par l'amour en ces lointains parages et reconduit à son home contre honnête récompense), les chiffonniers, ses maîtres, n'étaient point méchantes gens.
Il n'avait guère de coups que les horions occasionnels, au hasard du pied ou de l'inspiration. Les os ne manquaient pas ; sa couche était moelleuse, sur tant de guenilles amoncelées. Même, par-ci par-là, il attrapait un fond de poêlon, de la soupe à l'ognon, du gras-double... des friandises, du régal de rentiers !
Et le paysage était plaisant.
À l'horizon, passé la plaine de la Glacière, vers la poterne des Peupliers, les « fortifs » verdoyaient comme une chaîne de collines vers la gauche, très loin, outre le chemin d'Arcueil, le parc de Montsouris étirait la cime de ces ombrages.
Mais ni le bien-être, ni les charmes agrestes du décor ne suffisent aux esprits inquiets, avides d'espace, en mal d'aventures ! Le petit chien avait du vague à l'âme…
Il allongea son nez pointu : la cour était vide. Il secoua son collier, étira ses jeunes muscles, anxieux d'agir, regarda le ciel matinal ― et plus rapide qu'un lièvre, fila vers Paris.
Quelle ivresse !... Les rues ! Les maisons ! Les boutiques ! Les poubelles !
Tout le matin, follement il villégiatura dans le parc de Montsouris, avec d'autres galapiats de son espèce, fourrageant les plates-bandes, bousculant les enfants, manquant de faire choir ces messieurs de l'Observatoire, affolant les gardes.
On le vit autour des réservoirs de la Vanne, aux environs de l'Asile de Sainte. Anne. Il envisagea sans crainte et sans respect le lion de Belfort, outragea copieusement les murs de la Santé, alla rôdailler vers les Gobelins, poussa jusqu'à la Salpetrière.
Ce qu'il s'amusait !... Ah ! ouf, c'était bien cela la grande vie, l'indépendance, le plaisir de la nouveauté ! Plus de maître! À bas les tyrans !
― Méfiance lui dit un gros terre-neuve sagement assis au seuil d'un charcutier, Tout n'est pas rose, crois-moi dans le métier de chien errant.
Mais l'autre, tout jeunet, pensa : « Quel vieux raseur ! » et reprit sa course éperdue. Il fut place Jeanne d'Arc, place Nationale, place d'Italie.
Le soir tomba, les pattes lui faisaient mal. Il avait bu, il avait mangé, mais où coucher ?
La Providence y pourvut. Comme il tournait le boulevard, devant l'École Estienne, il fut arrêté net au lasso, mi-étranglé.
― A la Fourrière ! dit l'agent.
C'était le temps que j'avais une peine amère : je venais de perdre Sac-à-Tout. Que ceux qui n'aiment pas les bêtes, qui n'ont jamais eu de chien, ou qui n'ont pas ressenti la consolation d'un dévouement animal pour un cœur éprouve par l'ingratitude humaine, que ceux-là se moquent à l'aise. Je n'en ai cure et je les plains. Ils ignorent l'une des meilleures choses, des plus douces, des plus innocentes qui soient.
Et dans l'espoir de trouver la «ressemblance » de Sac-à-Tout, un petit être blanc, frisé, les yeux en jais, le nez en truffe, dans la volonté aussi de « faire du bonheur » en choisissant un abandonné, je m'en fus à la Fourrière voir mon vieil ami, le contrôleur Hébrard.
Mon vieil ami Hébrard n'a qu'un défaut, mais il l'a bien : c'est d'être à cheval sur la discipline.
— Visitez, si le cœur vous en dit, mais je ne peux rien vous laisser prendre. Tout chien non réclamé par son propriétaire, non requis par la Faculté, doit être mis à mort.
— Mais en payant…
— Impossible. Le règlement est formel.
Pourquoi faut-il que sitôt prononcé ce mot de règlement, la tentation « d'y couper » me prenne irrésistiblement ? Mais il ne paraissait pas, cette fois, que j'eusse l'occasion de fronder. Rien, dans les cages, ni de près ni de loin, ne rappelait ce que j'étais venu chercher.
Quand, soudain :
— Qu'est-ce que c'est que ça ?
Deux pattes brunâtres, deux pattes raides, deux pattes de bicot émergeaient des graillas, s'efforçant de m'atteindre.
— Ça ? Ah il faut vous le montrer c'est un phénomène On l'a pris barrière d'Italie, et son maître, averti, fait le sourd. Je n'ai jamais rien vu de si laid. Benoît, sortez donc l'Apache.
Était-ce bien un chien ce quadrupède étrange au poil de sanglier, couleur de taupe, la croix noire au dos ainsi qu'un âne ? Imaginez deux petits yeux d'or en haut d'un long museau, comme des lanternes au bout d'un mât de Cocagne, une expression d'astuce, de malice, d'intelligence incroyables. Avec cela haut jambé, presque élégant, un peu renard, un peu loup. Sitôt par terre, nullement impressionné, Il se remit à folâtrer.
— Dieu ! qu'il est vilain ! Mais qu'il est drôle ! Et sûrement on va l'abattre ? Dites, je ne pourrais vraiment pas l'en tirer ?
—Le règlement ! A moins d'autorisation de la Préfecture, le propriétaire seul a droit.
— C'est bon je l'aurai.
— Oh ! Ça !
Piquée au jeu, je filai boulevard du Palais. Et je puis attester que MM. Lépine, Laurent, Saint-Yves, sont des fonctionnaires incorruptibles ! Ni les ressources de mon éloquence, ni les trésors de ma pitié— ni même la menace d'une interpellation à la S. P. D. A. — ne purent vaincre leur résistance. Toujours est-il que j'avais obtenu, à l'Élysée, la tête de condamnés à mort, et que je me voyais impuissante à sauver un pauvre animal.
Mais j'étais femme — et journaliste ! — Vingt-quatre heures plus tard, je me présentais rue de Pontoise pour réclamer « mon » chien. Moyennant finances (oh ! bien faibles) je m'étais substituée au chiffonnier de la Glacière. Il m'avait, sur papier timbré, concédé toutes ses charges et conféré tous ses droits.
— Vous êtes le diable disait M. Hébrard, souriant et désarmé.
Et Megnin, le grand vétérinaire mort depuis, si bon aux bêtes, si bons aux gens, en admiration, lui aussi, devant son nouveau client, me recommandait, en hochant sa tête blanche :
— Gardez-le bien. Parce que ni pour or ni pour argent je ne me chargerais de vous le remplacer. Ma carrière est déjà bien longue, mais je n'ai jamais vu le. Pareil !
Qu'est-ce que ça faisait ! Dans le train qui nous emmenait vers Pierrefonds, Taupin tout doucement me léchait les mains. Il respirait la joie de vivre, et ses petits yeux d'or luisaient, avivés de reconnaissance éperdue.
Le premier acte de Taupin fut de faire le tour de la maison, au second étage, dans le chenal, comme un chat, au risque de se rompre les os et de nous donner à tous, une maladie de cœur : c'était un chien de gouttières !
Son second acte fut de voler le rôti.
Son troisième acte fut de prendre la clef des champs.
On l'admonesta : peine perdue ! On l'attacha : il rongea sa corde. On supprima la viande de sa soupe : il la laissa. On le corrigea : il se secoua, comme après l'averse et se remit à gambader.
Alors, on céda. D'autant que son repentir, ce laideron, avait des grâces sans pareilles, des câlineries délicieusement touchantes. Il demandait pardon et récidivait ! C'était plus fort que lui. Nulle barrière ne le pouvait retenir : il sautait comme un cheval de cirque, avec une aisance, une souplesse incomparables. Il connut la forêt en ses moindres méandres, en ses plus intimes profondeurs. Il voisina avec les cerfs, les biches, les chevreuils, les lièvres, sans braconner, heureux de courir. On le rencontra, sous bois, à quinze kilomètres du pays.
Puis le goût de la civilisation lui revint, mais, hélas, par ses côtés les plus pervers il ne rentra dans le monde que pour y être un objet de scandale. Il fut chef de clan, meneur de bande, ne marchant plus qu'à la tête de quatre ou cinq lascars à son image, effroi des buffets mal fermés ! Il fut la honte de la maison, l'opprobre de son espèce !
Malgré tout, et à tous, il demeurait sympathique par sa gaîté une discrétion relative aussi. Chez nous seulement, il s'était permis les grands larcins ailleurs, il se contentait de menues rapines : la gamelle des poules, le dîner du chat.
Néanmoins, dès qu'on entendait vociférer : « Brigand ! Bandit ! Attends un peu » j'étais certaine de voir Taupin surgir de la porte, le balai au derrière.
Les années ont passé. Voici qu'il se range ― un peu. Des tas de petits Taupins déshonorent et animent la contrée. Lui est heureux. Le Vice serait-il donc récompensé ? Ou la suprême intelligence, la passion de la liberté, la défense de l'énergie, ne seraient-elles pas, dans la balance du Destin, des circonstances atténuantes, des façons de secondaires vertus ?
Séverine,
née Caroline Rémy (27 avril 1855 à Paris – 24 avril 1929 à Pierrefonds), est
un écrivain et journaliste libertaire et féministe française
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