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 Les femmes qui votent ou les fem

Les femmes qui votent ou les femmes qui veulent voter ont subi un petit échec en Angleterre. On les a obstructionnées. Obstructionner d'infâmes tories est péché véniel mais obstructionner les femmes est tout à fait indélicat. On a obstruetionné le bill qui devait accorder le vote politique à une catégorie, assez peu nombreuse, du reste, de femmes contribuables et qui se fondait sur cette raison, pratique, positive et britannique, que qui contribue aux ressources de l'État doit avoir droit de contrôle sur l'administration des ressources de l'État.

Il faut reconnaître que le raisonnement ne manque pas de justesse. Il faut reconnaître aussi qu'on a obstructionné le raisonnement, le bill, et les contribuables à cheveux longs plus malignement que brutalement, et qu'après un premier succès, très significatif, ce retardement d'avant-hier parait plutôt une niche anglo-saxonne qu'une proscription tyrannique et hargneuse.

Les Anglais aiment les femmes ils les aiment sérieusement ; ils les aiment en les estimant et dans tous les sens de ce dernier mot, c'est-à-dire en les respectant et en les mettant très haut dans leur estimation de la « valeur ». Ils les considèrent comme une valeur sociale très importante. Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin les raisons de la fameuse « supériorité des Anglo-Saxons ». Elle est là. Elle est peut-être ailleurs aussi; Mais elle est là en grande partie.

Savez-vous pourquoi ? Je crois le savoir. C'est qu'on peut presque dire que les femmes valent ce qu’on les estime. Heureuses créatures, en somme, qui ont la valeur qu'on leur donne. Elles sont, de nature, si souples, si ployables, comme eût dit Montaigne, si capables de s'accommoder à toute atmosphère, à toute circonstance, à toute situation, qu'elles sont, à très peu près, ce qu'on veut qu'elles soient. Donc, voulez-vous qu'elles soient sérieuses, prenez-les au sérieux avez-vous intérêt social à ce qu'elles soient des citoyens, faites-en des citoyens, et elles seront de très bons citoyens; voulez-vous qu'elles soient frivoles, puériles, la « femme-enfant » de Dickens, elles seront plus frivoles et plus puériles que vous ne voudrez.

La femme a des analogies avec le papier-monnaie. Elle prend et garde la valeur qu'on lui attribue, à la condition qu'il y ait en dehors d'elle une solide réserve métallique qui la garantisse.

Le papier-monnaie, c'est la femme ; la réserve métallique, c'est l'homme. Dans ces conditions on peut faire de très bonnes affaires. Mais n'oublions jamais la réserve métallique.

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Donc, les Anglais à cheveux courts, se connaissant eux-mêmes et se sentant réserve métallique très sérieuse, ont déjà émis pas mal de papier- monnaie féminin et s'en sont fort bien trouvés. Ils ont donné, ou rendu, en 1869, il y a tout simplement trente ans, nous sommes en retard, aux femmes contribuables le vote municipal; et personne au Royaume-Uni ne s'en est plaint, et- beaucoup s'en félicitent. Les femmes électeurs se sont montrées très éclairées, très prudentes, portant leurs préoccupations et leur activité électorale surtout du côté des questions d'assistance publique et y introduisant, à côté de la sèche réglementation administrative, un peu d'esprit de charité et de tendresse, un peu d'esprit maternel.

Entre nous, voyez-vous l'assistance publique, les écoles maternelles, les salles d'asile, les crèches administrées par d'autres que par des femmes ? Oui, par ce que c'est ainsi. Mais en raison raisonnable, non, il ne devrait pas y avoir autres êtres que féminins et maternels dans tout ce département-là.

Quant au suffrage politique, quant au droit de participer aux élections du Parlement, c'est lui qu'on vient d'obstructionner de l'autre côté de la Manche. Mais ce n'est qu'une affaire de temps. Les Anglo-Saxons y viendront. Ils y sont déjà venus dans l'Angleterre d'outre-Océan. A la Nouvelle-Zélande, en Australie, les femmes contribuent à faire des députés. Les députés n'en sont pas plus mauvais. D'aucuns trouvent qu'ils en sont meilleurs. Personne ne réclame. Aucune révolution politique n'a été plus pacifique, plus tranquille, plus vite acceptée et plus considérée par tous comme légitime et inoffensive, par la plupart comme bienfaisante.

On me dit même que cela a mis dans les mœurs politiques de ces pays-là un peu plus de douceur et de savoir vivre. Il est possible. Eh ! eh ! quand il n'y aurait que cela !

On me dit aussi, et ceci de l'Angleterre comme de l'Australie, que les femmes-électeurs sont très sensibles aux questions de moralité, de probité, de respectability, et tiennent plus de compte du caractère moral des candidats que de leur couleur politique. Oh ! oh ! Dieu du ciel ! s'il en est ainsi, cela devient sérieux. Il faudrait voir ! Voyez-vous « l'adjonction des politiciennes », comme on aurait dit en 1847, aboutissant à l'extermination des politiciens ? Je vous dis qu'il faudrait voir.

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Y viendrons-nous? Pour moi, je l'espère. Énergiquement antiféministe sur beaucoup de points, parfaitement convaincu que ce n'est pas une parité, mais une équivalence qui existe et qui doit exister entre l'homme et la femme; désolé que des métiers qui ne sont pas faits le moins du monde pour elle soient envahis par la femme et l'éloignent de son royaume, c'est-à-dire de la maison, et désolé surtout que l'état économique et l'état des mœurs la forcent à se porter de ce côté-là désolé surtout par tout le féminisme puéril et nigaud, par la manie de se viriliser par es côtés ridicules, par les femmes qui fument, les femmes qui rament, les femmes qui pédalent, négligent leur royaume pour tout cela et diraient non pas « Mon royaume pour un cheval », mais: «Mon royaume pour une bécane » ; — pour ce qui est de « l'égalité des droits », je suis très complaisant, comme on peut s'en souvenir, et même pour « l'exercice de ses droits », je le suis aussi, à condition qu'il n'aille pas jusqu'à détourner la femme de sa fonction et de son office naturel et sacré.

Quand on me dit la femme médecin, la femme avocat, la femme sergent de ville je fais grise mine; parce que j'assure qu'une femme avocat, ce n'est peut-être pas un avocat de plus, mais c'est à coup sûr une femme de moins — et une mère de moins.

Quand on me dit la femme instituteur, la femme pharmacien; je m'éclaircis déjà sensiblement parée que rien n'empêche une femme d'être à la fois instituteur et mère de famille, pharmacien et maîtresse de maison. Elles ont assez d'activité pour deux métiers exercés au même lieu. Mieux vaudrait sans doute… Mais enfin, soit !

Et enfin, quand on me dit la femme électeur ; je n'ai plus aucune espèce d'objection.

D'abord, je suis juste et logique, et dans un pays où mon commissionnaire est électeur, je trouve un peu « raide » que ma sœur ne le soit pas et dans une Europe où une femme est reine de Grande-Bretagne, une femme reine de Hollande, une femme reine d'Espagne, je ne vois pas la raison qui fasse considérer une Française comme indigne d'exprimer une opinion politique ; et pour revenir chez nous, du moment que le suffrage universel est proclamé, je trouve étrange qu'il n'ait oublié qu'une chose, à savoir d'être Universel.

Voilà qui est juste et logique; mais dans ce genre de questions il est merveilleux comme je tiens peu à la logique et même à la justice, et comme je crois que l'intérêt social est tout. Or, je ne serais pas étonné que l'intérêt national fût pour le Women's suffrage.

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Les femmes sont inférieures aux hommes — c'est mon opinion — à un certain degré d'instruction et de culture, c'est-à-dire dans les classes dites dirigeantes; elles sont supérieures aux hommes comme intelligence et bon sens et finesse naturels dans les régions relativement incultes de l'humanité, c'est-à-dire précisément dans la région du suffrage universel. L'ouvrière est de sens plus fin et d'intellect pins aiguisé que l'ouvrier; la paysanne est plus avisée que le paysan, et le paysan, qui le sait parfaitement, la consulte toujours.

D'où il suit que ce pauvre suffrage universel est le suffrage universel, moins ce qu'il y a de plus intellectuel dans la sphère du suffrage universel. Je tiens pour certain qu'un suffrage universel à deux degrés dont la première assise serait le suffrage universel vrai, comprenant tous les hommes et toutes les femmes de France, sauf exceptions pour indignité, serait un très bon instrument politique que même le suffrage universel tel qu'il est, direct, à un seul degré avec adjonction des femmes, serait sensiblement meilleur qu'il ne l'est actuellement.

Comme les Anglo-Saxonnes, les Françaises électrices feraient passer les préoccupations morales avant les préoccupations politiques; comme les Anglo-Saxonnes. les Françaises électrices tiendraient plus grand compte de la moralité du candidat que de ses programmes, manifestes et déclamations ; comme les Anglo-Saxonnes, elles s'enquerraient plus de sa solidité que de sa couleur. Instinct de bonnes ménagères.

— Oui, oui, viendront nous dire certaines ; elles ne nommeront que des curés et des pasteurs.

— Pas tant que cela, répondrai-je ; mais quand elles en feraient passer quelques-uns, je n'y verrais pas un si grand mal. Le prêtre politicien ne me plaît pas autrement; mais le prêtre estimé comme moraliste et philanthrope, et que l'on vient prier à un moment donné de siéger dans les assemblées politiques, ce n'est pas du tout la même chose, et j'ai idée que c'est celui-là, très souvent, qu'elles iraient chercher.

Plus j'examine, plus j'incline au Women's suffrage, et moins j'y vois d'objections. Il ne serait qu'un élément conservateur, modéré et humanitaire introduit dans la politique générale.

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À un autre point de vue, il persuaderait à l'homme par un avertissement palpable et une démonstration permanente d'une chose à laquelle, dans certaines classes, il ne croit pas assez, à savoir que la femme est son égale, qu'il est le chef et doit rester le chef, mais non pas le maître, et que sa compagne est une personne devant l'État comme devant Dieu. « Les femmes ne sont pas des gens », dit-on, parait-il, dans certains cantons méridionaux. Les femmes sont des gens, voilà ce qu'il faut que la Loi dise très nettement quelque part.

Habituons les esprits à l'idée du suffrage féminin. Je l'ai hasardée, ici même, il y a quelques mois. Notre spirituel confrère M. Fouquier, qui ne passe ni pour un radical, ni pour un utopiste, l'a affirmée depuis, avec netteté, dans un autre journal. Je la crois juste je lui crois de l'avenir. Si elle vous inquiète, ne vous effrayez point. Je connais ma France. Les femmes voteront dans les pays latins quand elles voteront dans tous les autres pays du monde. C'est égal, il faut s'habituer à cette idée. Le suffrage universel sera un jour le suffrage de tous. Les choses mettent souvent beaucoup de temps à remplir leur définition.

Émile Faguet
Le Gaulois — 2 septembre 1897

 AU CAFÉ-CHANTANT - L VEUILLOT 1866

PORTRAIT PARISIEN


AU CAFÉ-CHANTANT.

A travers la fumée, nous aperçûmes deux ou trois places vides où nous n’arrivâmes point sans difficulté. Quelle atmosphère ! Quelle odeur mélangée de tabac, de spiritueux, de bière et de gaz ! C’était la première. fois que j’entrais dans ce lieu, la première fois que je voyais des femmes dans un café fumant. Nous avions autour de nous. non-seulement des femmes, mais des Dames.

Il a vingt ans, on eût inutilement cherché ce spectacle dans tout Paris. Visiblement, ces dames. avaient traîné là leurs maris vaincus; l’air dépité et empêtré de ces malheureux le proclamait assez haut. Mais, pour elles, à peine semblaient-elles dépaysées. Il avait raison; ce vieux et honnête valet de chambre qui me disait un jour, parlant de sa marquise, tout-à-fait dévoyée : —« Monsieur, on ne sait pas ce qu’un maladroit’ peut faire d’une femme comme il faut ! ». Et qu’est-ce que la femme « comme il faut» ne peut pas faire aussi d’un maladroit ? La présence de ces femmes « comme il faut » donnait à l’auditoire un cachet tout particulier de débraillement : le débraillement social !

Nous avions encore une demi-heure à attendre, toutes les places étaient prises. il passa quelques sujets inférieurs, de petites voix glapissantes, des miaulements, rien qui justifiât la surtaxe du verre de bière. Un ténor chanta je ne sais quoi; une demoiselle, deux demoiselles chantèrent je ne sais quoi. On me dit que c’étaient des- demoiselles de trois ou quatre mille francs tout au plus; elles étaient vêtues sans aucune simplicité. Un baryton se fit applaudir. Il avait, une jolie voix et la mise plus funèbre du monde. On eût dit un ancien représentant du peuple, de ceux de la Montagne, qui « pensaient» et qui se piquaient de tenue ; M. de Flotte, par exemple. Ce baryton ferait figure dans nos troubles à venir que je n’en serais pas étonné. Il chantait :

Un nid, c’est un tendre mystère,

Un ciel que le printemps bénit.

A l’homme, à l’oiseau sur la terre,

Dieu dit tout bas Faites un nid !

Ces culotteurs de pipe, tous fort loin de leur nid pour le moment, et peu pressés d’y rentrer, écoutaient cela d’un œil attendri ; les « petites dames » retenaient à peine leurs larmes; les dames « comme il faut » faisaient très-bien du bout des doigts. Le baryton, froid comme glace, en habit noir, en gants blancs, en barbe de quadragénaire sucrait le dernier couplet sans perdre sa figure d’homme qui vient de consulter les lois de Minos. Enfin il fit un profond salut se retira, fut rappelé, resalua, se retira â reculons, et la salle toute entière frémit... ELLE allait paraître, un. tonnerre  d’applaudissements l’annonça.

Je ne la trouvai point si hideuse que l’on m’avait dit. C’est une fille assez grande, assez découplée, sans nul charme que sa gloire, qui en est un, il est vrai, du premier ordre. Elle a, je crois, quelques cheveux; sa bouche semble faire le tour de la tête; pour lèvres, des bourrelets comme un nègre; des dents de requin. Une femme auprès de moi l’appelait «un beau brun. ».

En somme, — mais j’ai peut-être aussi un rayon de gloire dans l’œil, — ce n’est pas la première venue.

Elle sait chanter. Quant à son chant, il est indescriptible, comme ce qu’elle chante.. Il faut être Parisien pour en saisir l’attrait, Français raffiné pour en savourer la profonde et. parfaite ineptie. Cela n’est d’aucune langue, d’aucun art,. d’aucune vérité. Cela. se ramasse dans le ruisseau; mais il y a le goût du ruisseau, et il faut trouver dans le ruisseau le produit qui. a bien le goût du ruisseau. Les Parisiens eux— mêmes ne sont pas tous pourvus du flair qui mène à cette truffe. Lorsqu’elle est assaisonnée, ils la goûtent. Notre chanteuse à ses trouvères attitres qui lui proposent l’objet, et elle y met supérieurement la.-sauce.

Elle joue sa chanson autant qu’elle la chante. Elle joue des yeux, des bras, des épaules, des hanches, hardiment. Rien de gracieux; elle s’exerce plutôt à perdre la grâce féminine; mais c’est là peut-être le piquant, la pointe suprême. du ragoût. Des frémissements couraient l’auditoire, (les murmures d’admiration crépitaient dans la fumée des pipes, à certains endroits dont l’effet, cependant assuré, défie toute analyse. Dites pourquoi l’Alsacien s’épanouit à l’odeur de la choucroute.

La musique a le même caractère que les paroles : un caractère de charge corrompue et canaille, et d’ailleurs morne comme la face narquoise du voyou. Le voyou, le Parisien naturel, ne pleure pas, il pleurniche ; il, ne rit pas, il ricane; il ne plaisante pas, il blague ; il ne danse pas, il chahute ; il n’est pas amoureux, il est libertin. L’art consiste à ramasser ces ingrédients dans une chanson, et les auteurs y arrivent neuf fois sur dix, la chanteuse aidant. Le succès est eu rapport avec la dose.

Tout cela sent la vieille pipe, la fuite de gaz, la vapeur de boisson fermentée; et la tristesse réside au fond, cette tristesse diserte et plate qu’on appelle l’ennui. La physionomie générale de l’auditoire est une sorte de torpeur troublée. Ces gens-là ne vivent plus que de secousses ; et la grande raison du succès de certains « artistes, » c’est qu’ils donnent la secousse plus forte. Elle passe vite, l’habitué retombe dans sa torpeur. Le spectateur d’occasion se hâte de sortir et d’aller respirer l’air pur de la rue.

Pour être juste; ces représentations, sont bien organisées, et j’ai pleinement admiré l’art du programme. La grande chanteuse est entourée de satellites très inférieurs. Son morceau est précédé d’une avant-garde nigaude, l’on place au plus près tout ce qu’il ya de douçâtre : Faites un nid ! Et après ce fromage blanc, tout de suite, l’ail, l’eau de vie surpoivrée, le tord boyau tout pur de la demoiselle. Le heurt est violent, et comme on dit dans la langue du lieu : Ça emporte la gueule.

Mais cette gueule, puisque gueule il y a, cette gueule animale ne savourera plus le pain, ni l’eau, ni le vin, ni les fruits, et il lui faut offrir désormais une chair corrompue.

Louis Veuillot - Extrait de " Les odeurs de Paris " - 1866
 De Monte-Carlo

De Monte-Carlo

« En général, chaque année, dès le début d'avril, un grand nombre de nos élégants abandonnaient la principauté et le littoral méditerranéen la présente saison, au contraire, promet de se prolonger pendant plusieurs semaines encore et toujours avec le même éclat, grâce aux grandes fêtes qui seront données à Monaco, à l'occasion du congrès littéraire, après le dimanche de Pâques. Aussi tous les départs sont retardés d'autant: Les nombreux fidèles qui nous restent n'auront certes pas à regretter leur prolongation de séjour. Car, outre l'attrait de ces fêtes,. qui s'annoncent magnifiques, ils jouiront des charmes au printemps qui est, sur le littoral, la saison la plus agréable. »

 Par suite des rentrées du Midi

Par suite des rentrées du Midi, le volumineux courrier que reçoit chaque jour le Grand-Hôtel est encore augmenté en ce moment par les nombreuses demandes de Plan-Tarif, dont l'envoi est fait partout franco sur simple demande. On sait que cette charmante brochure du grand établissement parisien permet de fixer à l'avance un séjour à l'étranger, et même d'arrêter à distance l'appartement qu'il désire occuper.

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